Histoire Des Libertines (63) : Femmes Libres D’Hollywood : 1) Mae West, La Sex-Symbol

AVERTISSEMENT ET INTRODUCTION

Dans le cadre de cette « histoire des libertines », je commence une nouvelle série de textes, qui retraceront la vie libre et tumultueuse de quelques unes des grandes actrices d’Hollywood.

Dans la liste provisoire que j’ai établie, j’envisage de parler de Marlène Dietrich, de Greta Garbo, de Marylin Monroe, d’Ava Gardner, de Judith Campbell, de Lana Turner, de Judy Gardland ou encore d’Elizabeth Taylor. Je suis ouverte aux suggestions que pourraient avoir mes lecteurs.

Je commencerai par Mae West (1893-1980). Malgré une courte carrière à Hollywood, Mae West a laissé sa marque sur le cinéma américain. Grande vedette du vaudeville dans le New York des années 1920, elle a triomphé dans une dizaine de films au cours des années 1930. Je vais raconter le parcours de cette blonde pulpeuse, une femme de caractère à l'esprit libre.

Des débuts dans le music-hall à 14 ans, une première revue à Broadway dès 18 ans et des formes qui ne laissaient personne (hommes ou femmes) indifférent, cela forge une réputation. Mae West fut la première des bombes sexuelles. Mae West a été la plus désirée, la plus enviée, la plus copiée des stars de Hollywood dans les années 1930. Créatrice d'un personnage de « vamp » quadragénaire aux formes généreuses et au langage provocant, elle est une figure légendaire du cinéma américain.

FEMME LIBRE

Mae West, Mary Jane West de son nom complet, est née à Brooklyn, quartier de New York. Elle est la fille de John Patrick West et Matilda 'Tillie' Delker-Doelger. John était boxeur, puis il sera policier. Il a fini par devenir détective et a fondé sa propre agence. Sa mère était mannequin et fabricante de corsets. À 13 ans, elle quitte l’école pour jouer au théâtre.

Mae West était une femme libre qui s'est affirmée dans ses choix et sa carrière. Elle débute, curieusement, comme une « petite Shirley Temple » dans des spectacles tels que « La Case de l'oncle Tom », au début du siècle.

Cependant, elle découvre vite qu'il lui est plus facile d'être une « vamp en herbe » qu'une future « petite fiancée de l'Amérique » et paraît sur de nombreuses scènes de vaudeville ou de music-hall aux côtés de vedettes.

Lassée des médiocres propositions, elle se met à écrire ses propres répliques et, devant le refus des producteurs, elle produit elle-même ses pièces.

ACTRICE, SCENARISTE ET SYMBOLE DE LA LIBERTE SEXUELLE

Dans l’entre-deux guerres, Mae West devient un véritable sex-symbol, le fantasme d’une génération d’hommes. Intronisée « grande prêtresse de la sexualité », ce rôle, la comédienne l'a tenu sans défaillance au cours d'une carrière d'une exceptionnelle longévité. Petite et dotée d’une bonne poitrine, Mae West fait preuve d’assurance devant tous ses partenaires de jeu. Cette séductrice aime jouer avec les mots pour conquérir le cœur des hommes.

Mae West a un physique particulier, elle mesure seulement 1 mètre 52 pour 53 kg mais elle a la poitrine généreuse et sait mettre sa silhouette et sa taille en valeur en serrant fermement ses corsets et en portant des talons de 20 cm. Alors qu’elle n’a que 20 ans, elle crée une danse burlesque « le shimmy ». Elle avait même inventé un balancement de hanches particulier afin de parvenir à tenir en équilibre sur ces talons immenses. L’idée est de remuer le haut du corps, le buste, les seins. La danse va rapidement s’imposer !

Sans jamais se revendiquer féministe, Mae West défendit ardemment la libération de la femme. Elle s’engagea avec la même conviction en faveur des droits des homosexuels et des travestis, bien avant que n’existent le mouvement et la dénomination LGBT.

Exprimer ses désirs et ses plaisirs fut pour Mae West une manière de lutter contre l’étroitesse d’esprit et l’hypocrisie d’une classe dominante qui prétendait imposer aux autres sa façon de faire semblant. Faire semblant, autrement dit simuler. Simuler la vie dans la non-envie, simuler la « bien-pensance » dans la bienséance, simuler le sérieux contre le licencieux.
Bref simuler la jouissance d’une existence sans jouissance. Ses censeurs traitaient Mae West de dépravée, de prostituée, de dégénérée.

DEUX MARIS ET DE NOMBREUX AMANTS

De 1914 à 1920, elle a été mariée à l'accordéoniste Guido Deiro. Elle se marie ensuite avec Frank Szatkus (alias Frank Wallace) puis divorce en 1942. Ils n'auraient réellement vécu ensemble que quelques semaines.

Mais si Mae West joue de son physique, c’est aussi une femme de caractère, qui défend ses valeurs. Dans un pays ségrégationniste, elle s’expose avec un boxeur noir. Alors qu’elle loue un appartement dans un immeuble hollywoodien, on interdit l’accès à son amant car il est noir. Mae West tourne les talons et prend rendez-vous chez le notaire. Quelques semaines plus tard, elle est propriétaire de ce même immeuble et elle fait entrer son amant, et tous les autres. Ses romances étaient brèves mais intenses, ses amants furent nombreux.

Mae West a été la plus désirée, la plus enviée, la plus copiée des stars de Hollywood dans les années 1930. Elle a été courtisée par des producteurs, des acteurs, un chanteur d’opéra, des boxeurs, des catcheurs, des lanceurs de disque, des chevaliers d’industrie, des diplomates.

Ses romances étaient simples, sans embarras. Elle raconte ainsi, dans ses Mémoires, sa rencontre avec un ambassadeur de France :

• Nous n’avions pas le temps pour les préliminaires.
• Je lui dis alors : « Vous savez quoi ?”
• Il me dit : « Oh, yes ! »
• Je dis : « L’amour ».
• Et nous sommes passés au lit.

Elle fait décorer son appartement en « style Marie-Antoinette » – avec un miroir au plafond (« J’aime bien voir ce que je fais »), séduit un sultan indien qui met des diamants à ses pieds (« Un témoignage de son estime »).

En référence à sa généreuse poitrine, les aviateurs américains de la Seconde Guerre mondiale avaient surnommé « Mae West » leurs gilets de sauvetage.
Ceux-ci fonctionnaient en se gonflant d'air comprimé et en donnant à leur torse un volume supplémentaire… De nos jours les gilets de sauvetage gonflables sont encore appelés couramment des Mae West, même en dehors des pays anglophones.

En 1960, elle se produisait encore à Las Vegas, entourée de musclés oints au baby oil. C’était son idée. Un jour qu’un haltérophile (elle aimait les culturistes, le mot « culture » ayant un sens particulier) la complimentait – « Mae, vous êtes mon rêve devenu réalité » –, elle tâta le biceps du flatteur et crut « sentir une subtile dureté ». Elle engagea le gars. Et ses copains.

CONTRE LA CENSURE

En 1928, une longue série de mesures judiciaires amena la création d’un véritable code moral du théâtre et du cinéma. La liberté d’expression se retrouvait sérieusement mise en cause. La censure est reine.

Mae West ose tout et ses répliques sont cinglantes. Les clins d’ œil aguichants de Mae West ne pouvaient échapper à la rage purificatrice des auteurs du code Hays. A sa liberté de ton, ils réagirent avec une sévérité qui ignorait délibérément les impératifs artistiques. Chaque scène ayant un rapport avec le sexe fit l’objet d’une analyse attentive et détaillée, sur la base de ce fameux code et de ses normes mesquines.

La censure, en 1926, ne rigole pas avec sa pièce « Sexe », qu’elle a écrite et dans laquelle elle joue : après deux descentes de police au théâtre, Mae West, poursuivie suite à une plainte de la « Société pour la Suppression du Vice », est incarcérée pour avoir « corrompu la moralité de la jeunesse ». Ses juges lui reprochèrent particulièrement de « bouger son nombril » de manière parfaitement indécente au cours d’une danse du ventre jugée obscène. Pour se défendre, si l’on peut dire, Mae demanda si elle pouvait danser dans le prétoire pour montrer de quoi il s’agissait réellement.

Elle fut condamnée à 10 jours de prison. Elle aurait pu payer une forte amende pour éviter la prison.
Toujours provocatrice, elle choisit la prison pour faire parler d’elle. Pari réussi !

Quelques mois plus tard, sa nouvelle pièce « Drag » est immédiatement interdite. En revanche « La pécheresse » va connaître un énorme succès.

Elle n'en continue pas moins à monter des spectacles aux titres aussi évocateurs que L'Homme de plaisir, Travestis ou Diamond Lil, qui est adapté au cinéma, sous le titre de Lady Lou (1933), par Lowell Sherman.

Hollywood, qui avait moins d’ambitions culturelles, réussit à conserver une certaine liberté. Mae West était la personne la plus apte à l’exploiter et elle le fit avec une verve et un sens de l’humour désarmant. Au début des années 1930, Hollywood cherche des actrices et des acteurs pour jouer dans le nouveau cinéma parlant.

Lorsqu’elle tourne dans son premier film, on ne voit qu’elle, elle perce l’écran. Avec sa voix basse, agréable à l’écoute, Mae West devient, à 40 ans, la convoitise des grands studios. L’actrice gagne beaucoup d’argent. Son succès contribue même à sauver la compagnie Paramount de la faillite pendant la crise économique.

Sa première apparition à l'écran au côté de George Raft dans « Night after Night » (1932) constitue un véritable défi aux conventions hollywoodiennes de l'époque : la quarantaine passée, Mae West impose un personnage outrancier par ses répliques, qu'elle écrit elle-même. Les producteurs ne parviennent pas à la classer, le Hays Office crée à son intention une ligue de décence, puisqu'elle affiche et revendique une totale liberté sexuelle. Elle choisit ses partenaires, lance ainsi Cary Grant dans Lady Lou. Les spectateurs, heureusement, commencent à apprécier son humour. Ses films deviennent de grands succès de box-office. On ne voit qu’elle, elle perce l’écran. Pas seulement pas son charisme mais plutôt par le temps qu’elle passe devant la caméra. Elle fait absolument tout ce qu’elle veut.

Grâce à l’effet sensationnel provoqué par son premier film, elle obtint carte blanche pour les suivants : c’est ainsi qu’elle fit, en 1933, un des longs métrages les plus importants des années 30, Lady Lou (« She Done Him Wrong ») qui mit un terme à la situation financière catastrophique de la Paramount. Mae West était liée par contrat avec cette firme et en empêcha ainsi le rachat par la MGM. C’était une adaptation de sa comédie « Diamond Lil » dont seul le titre, trop connu, avait été changé. On y racontait l’histoire délicieusement amorale d’une dame aux mœurs légères, des hommes de sa vie et de sa manière subtile de surmonter tous les obstacles pour apparaître, à la fin, totalement innocente. Une sorte de Juliette moderne armée d’une duplicité à faire pâlir de jalousie l’héroïne du divin Marquis.

L’enthousiasme du public était tel que Mae, à peine sortie du plateau de Lady Lou, mit immédiatement en chantier Je ne suis pas un ange (l’m No Angel) où elle incarne un des personnages les plus extravagants de sa carrière, celui d’une danseuse de night-club qui sait dompter les lions.

En 1935, l’actrice et scénariste obtient le deuxième plus haut salaire des États-Unis, soit 500 000 dollars par an.

S’inspirant sans doute de ses propres émois, elle songea ainsi à porter à l’écran la vie d’une grande mangeuse d’homme devant l’éternelle, Catherine II de Russie (je vous invite à relire le texte que j’ai consacré à la Grande Catherine : « Histoire des libertines (35) : Catherine II de Russie ou l’appétit sexuel au pouvoir », paru le 5 août 2019). Moins par pudeur que par soucis pratique, son scénario ne faisait état que d’une trentaine des centaines d’amants que l’on prête à l’impératrice. Le film ne put être tourné, mais elle en fit une pièce de théâtre à succès. Les journalistes titrèrent alors « Mae l’impératrice du sexe » !

Dans « She Done Him Wrong », on trouve la célèbre réplique de Mae West : « C’est un pistolet, dans ta poche, ou t’es juste content de me voir ? »

Si cette phrase a pu passer la censure c’est parce que Mae West avait une technique maligne et efficace afin d'échapper à la censure : elle ajoutait des dialogues tellement crus qu'elle était certaine que les censeurs les ôteraient et qu'en comparaison, ils trouveraient le reste du scénario acceptable.

Ca ne marche pas systématiquement. C’est ainsi que la réplique « Ce gars-là, je ne le laisserais pas me toucher avec un pieu d’un mètre ! » a été notamment été interdite !

DES REPLIQUES CELEBRES

Quelques-unes de ses répliques demeurent célèbres. Je ne résiste pas au plaisir de les reproduire :

• Tant d’hommes, si peu de temps.

• J’évite généralement les tentations, sauf celles que je n’ai jamais essayées.

• Que portez-vous pour dormir? Quelques bagues.

• Je suis une femme de peu de mots, mais de plein d'action.

• Entre deux maux, je choisis toujours celui que je n'ai pas encore essayé.

• Ah, le printemps, saison de l'amour ! - Et le reste de l'année, alors ?

• La courbe est plus puissante que l'épée.

• L'amour n'est pas une émotion ou un instinct - c'est un art.

• Ne faites pas la même erreur deux fois - sauf si elle paie.

• Gardez un boyfriend pour les jours de pluie, et un autre pour les jours sans.

• J’aime deux sortes d’hommes : ceux de mon pays et les étrangers.

• Les braves filles vont au ciel. Les autres vont un peu partout.

• Je suis une fille rapide qui les aime lents.

• Ne jouez pas trop longtemps aux devinettes avec un homme, ou à coup sûr, il trouvera la réponse ailleurs.

• Je suis célibataire parce que je suis née ainsi.

• Les hommes sont comme les parquets en linoleum. Étendez-les comme il faut et vous pourrez marcher dessus pendant des années.

• Il y a dix hommes qui grattent à ma porte. Renvoyez-en un ; je suis un peu fatiguée.

• Les femmes qui jouent avec le feu doivent savoir que la fumée pique les yeux.

BIEN PLUS QU’UN SEX-SYMBOL

Mae West n'a physiquement rien d'un sex-symbol, c'est sa gouaille qui lui donne tout son piment, saupoudrée d'un brin de déhanchement provocateur.

Mae West est avant tout une militante des droits des femmes et ses provocations les exhortent à se libérer du joug des hommes, avec humour et sensualité.

Mae West est devenue célèbre par le scandale de ses pièces « Sexe » et « Drag » ; celle-ci, traitant de l'homosexualité en 1927, lui apporta le soutien des gays dont elle devint l'une des égéries.

Mae West n’était pas seulement une chanteuse jazz et une comédienne drôle et incisive, elle écrivait elle-même ses textes et ses scénarios. C'est un auteur ! Son autobiographie « La vertu n'est pas mon fort » est un petit fascicule édifiant. C'est l'histoire d'une femme intelligente qui a beaucoup travaillé pour s'en sortir et qui a analysé et compris très tôt le monde qui l'entoure.

Mae fit du sexe un divertissement et cela valait mieux que d’ignorer hypocritement son existence. N’oublions pas qu’à l’époque le sexe devait être déguisé en idylle sentimentale, et que rien d’inconvenant ne pouvait être montré sans déclencher immédiatement une répression. Mae déconcertait les gens. Son immoralité, ses allusions ne pouvaient être acceptées par les bien-pensants. Même dans le milieu théâtral du New York des années 20 elle avait été pratiquement la seule à défendre le sexe contre l’offensive puritaine.

Si l'on se souvient donc de West comme d'une vamp, cette image, caricaturale, est loin de lui rendre justice. Le projet de Mae West était de parler, ouvertement et avec humour, de la sexualité et des tabous de la société américaine. Évoquant le désir féminin, l’homosexualité ou la prostitution, sa lecture anticonformiste mettait à mal les visions médicales et les normes de genre de son époque. Et, pourtant, contre la censure et les canons sexistes, Mae West parvint à imposer sa vision et ses textes sur la scène d’Hollywood. Il faut redécouvrir, sous le sex-symbol, une des plumes féminines les plus acérées de sa génération.

MAE WEST ET MOI

Avec Mae West, je commence une nouvelle série de textes qui raconteront les frasques de certaines grandes actrices d’Hollywood. Mae West est chronologiquement la première et elle occupe une place toute particulière.

Plusieurs choses m’attirent chez elle, en plus de sa liberté de mœurs :

• Elle n’était pas une reine de beauté et pourtant, sa façon de se présenter, de s’habiller, de se déhancher en a fait un sex-symbol.


• Son parcours personnel exceptionnel car, issue d’un milieu modeste, elle parvient à une réussite sociale, ses revenus étant, au milieu des années 30 parmi les plus élevés des Etats-Unis.

• Son humour, son intelligence, son sens de la répartie, son combat contre la censure et contre l’Amérique bien-pensante et puritaine, qui la vouait aux gémonies.

• Ses valeurs et ses combats, en particulier contre le racisme et pour les droits des femmes.

Sans oublier que j’ai rencontré, comme elle, et plus modestement en ce qui me concerne, la même haine des milieux bien-pensants. Comme Mae West, j’ai été traitée de dépravée, de prostituée, de dégénérée, pour mes choix de vie.

Et enfin, même si c'est anecdotique, dans mes recherches, j’ai trouvé que, comme moi, elle trouvait fascinante le personnage de Catherine II.

Pour tout cela, je voulais raconter sa vie et j’ai envie de lui dire « Thank you, Madam ! »

PRINCIPALES SOURCES :

Outre l’article Wikipédia, je renvoie aux liens suivants à partir desquels j'ai travaillé :

• https://blogs.mediapart.fr/jean-jacques-birge/blog/150520/mae-west-nest-pas-quun-gilet-de-sauvetage-archive

• https://moncinemaamoi.blog/2016/07/01/mae-west-la-deesse-du-peche/

• https://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20150716.OBS2695/mae-west-la-revolution-du-desir.html

• http://www.artcinema.org/article47.html

• http://www.brigitteboreale.com/2018/08/15/mae-west-le-sexe-et-lhumour/

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